Auteur : Lwazi Maseko

En l’honneur de la Journée africaine du podcast, le 12 février, nous avons interviewé des podcasteurs africains pour les interroger sur leur expérience de podcasteurs sur le continent.

Kevin Mwachiro est un écrivain, journaliste, podcasteur et activiste queer. En 2017, il a lancé un podcast de contes, appelé Nipe’s Story, qui produit des versions audio de courts récits de fiction du continent africain. Nipe’s Story a été reconnu comme l’un des podcasts les plus marquants du Kenya.

Le premier livre de Kevin s’intitule Invisible, Stories from Kenya’s Queer Community (Histoires de la communauté queer du Kenya). Il a fait partie de l’équipe de rédaction de Boldly Queer, African Perspectives on same-sex sexuality and gender diversity (Queer et fier, perspectives africaines sur la sexualité homosexuelle et la diversité du genre). Sa première pièce, Thrashed, a été publiée dans l’anthologie Six in the City, six courtes pièces de théâtre sur Nairobi. Son œuvre la plus récente est une nouvelle, Number Sita, publiée dans l’anthologie Nairobi Noir. Sa poésie a été publiée dans l’anthologie Walking the Tightrope et dans le journal Diversity Gains.

Travaillant en collaboration avec le Gay Kenya Trust et le Goethe Institute de Nairobi, Kevin est cofondateur du Out Film Festival, le premier festival de films LGBTQI en Afrique de l’Est. Il siège actuellement aux conseils d’administration de la Gay and Lesbian Coalition of Kenya (GALCK, une coalition LGBQ), de PEMA Kenya (une organisation LGBQTI de base) et d’Amnesty International au Kenya.

Comment et quand avez-vous commencé à faire du podcast ?

Je me suis lancé dans le podcast en 2017 et je menais des formations en journalisme et en production radio dans l’une des universités du Kenya. J’ai une expérience dans le domaine de la radio, et cette année-là, j’avais envisagé de lancer un podcast et de former cette cohorte de jeunes journalistes à la radio et au podcasting. Au cours de la session de formation, j’avais invité certains de mes amis podcasteurs à parler aux étudiants du podcasting au Kenya et chacun des invités que j’avais conviés m’a dit : « C’est le moment de te lancer ». C’est ainsi que je me suis lancé. Avec ma formation en radio, j’ai toujours aimé la poésie parlée et les émissions radiophoniques longues. J’ai toujours aimé le podcasting et la narration, en particulier dans le format de Nipe’s Story. J’ai toujours aimé l’audio sur un format plus long.

Comment êtes-vous passé de la radio au podcasting et quels sont les défis ou les points positifs que vous avez trouvés en passant de la radio au podcasting ?

Je n’ai jamais pensé pas qu’il y avait un grand défi à relever. Malheureusement, la plupart des stations de radio au Kenya sont basées sur la musique et ce n’est pas vraiment mon point fort. J’ai été formé au Royaume-Uni et j’ai travaillé avec la BBC, j’étais donc déjà habitué à travailler et à écouter des documents audio de longue durée. J’adore écouter des documentaires radio. Pour moi, la transition a donc été facile. C’est ce que je suis, je n’ai pas eu de problème avec ça. J’ai choisi très délibérément le type de podcast que je voulais faire, donc pour moi, la transition s’est faite en douceur, car j’avais déjà les outils du métier et la passion.

Pensez-vous que les plateformes audio telles que le podcasting, Twitter Spaces et Clubhouse vont supplanter la radio ou y a-t-il encore de la place pour la radio ?

Je vais être honnête. Je suis confus quand on me demande cela, je ne vois pas pourquoi il doit y avoir l’un ou l’autre. Je pense que nous devons commencer par dire : voici une nouvelle plateforme que nous pouvons utiliser pour transmettre des informations, raconter des histoires, offrir du divertissement et de l’éducation. Voici un nouveau format, qui n’a pas besoin d’être en concurrence, c’est juste une façon de nous demander, comment les différents outils peuvent se compléter ? Je pense que le podcasting est un excellent outil pour offrir du contenu aux stations de radio et que les stations de radio offrent une excellente plateforme pour le contenu généré par les podcasts, surtout ici en Afrique. La radio est toujours la reine sur le continent et nous oublions souvent cela. Lorsque nous avons des problèmes d’électricité, lorsque les gens ont des difficultés à accéder aux données, d’énormes populations rurales ou non urbaines comptent sur la radio. La radio est toujours reine et je crois fermement que le podcasting et la radio font bon ménage.

Quels sont les types d’histoires que vous privilégiez dans votre podcast ?

Nipe’s Story est un podcast de contes qui propose des histoires courtes d’écrivains du continent, des histoires fictives. J’adore la fiction africaine. J’adore écouter des histoires, je suis également écrivain et pour moi, c’est une occasion d’entendre ce que font mes contemporains. J’aime le fait que Nipe’s Story soit un podcast/une plateforme pour les fictions homosexuelles du continent. J’aime écouter les différents types de réalité queer présentés à travers des fictions qui viennent de différentes parties du continent et, pour moi, c’est ce que représente Nipe’s Story. Une plateforme pour les histoires africaines et une démarche délibérée pour s’assurer qu’il y ait de la fiction africaine queer sur le podcast.

Pourquoi se concentrer spécifiquement sur la fiction et pensez-vous que le continent a besoin de plus de fiction ?

Nous n’avons même pas effleuré la surface, avec le podcasting et les médias numériques. C’est le moment de célébrer notre africanité, de raconter nos histoires, de générer toutes sortes d’histoires. J’ai vu, même dans le paysage de l’écriture, des écrivains qui écrivent du fantastique africain et, pour certains, c’est un tout nouvel élément de la fiction africaine. Nous ne faisons qu’effleurer la surface et il y a tant d’histoires qui doivent encore être racontées. L’espace littéraire du continent est en pleine croissance, il y a beaucoup plus de festivals, d’appels à l’écriture de fiction et beaucoup plus de plateformes littéraires.

Nous voyons toutes sortes d’écrivains émerger. J’ai hâte d’entendre un jour de la fiction de Somalie, d’Érythrée, d’Éthiopie ou du Mali, des pays marginaux du continent dont nous n’entendons pas parler. Je veux que Nipe’s Story soit capable de raconter une histoire fictive de n’importe où en Afrique. Je pense qu’en tant que continent et en tant que génération, nous en sommes à un point où nous revendiquons nos histoires et parfois, cela fait partie de la créativité et avec les écrivains, j’ai remarqué que certains revendiquent la façon dont ils choisissent d’être vus, comment ils veulent que leur continent soit vu.

Le retour que j’ai eu est que nous n’entendons pas ce genre d’histoires, c’est le côté de l’Afrique dont nous n’entendons pas vraiment parler. Je fais partie de cette génération qui ne croit pas que tout doit être horodaté. Il n’y en a pas assez, il n’y a pas assez d’histoires sur le continent, il faut plus d’histoires, plus de podcasts qui racontent l’histoire africaine, quelle que soit la forme qu’ils prennent.

Vous avez dit que nous n’avons même pas effleuré la surface de la fiction africaine. Alors qu’en est-il des histoires queers, car nous entendons ou lisons rarement des histoires sur la communauté queer qui se croisent avec la fiction ?

En tant qu’homosexuel, en tant qu’homme gay, notre amour est important. Je me souviens que lorsque j’ai fait mon coming out, j’ai commencé à lire beaucoup d’E Lynn Harris parce que je n’avais jamais entendu parler de lui. Je n’avais jamais rien lu sur l’amour homosexuel noir et j’étais aux anges. J’étais aux anges, en tant que lecteur avide, parce que je pouvais m’identifier à ce livre. Je venais de rentrer du Royaume-Uni et, alors que je m’installais, Monica Arac de Nyeko a remporté le prix Caine de littérature africaine pour son histoire, Jambula Tree, qui raconte l’histoire de deux amoureuses lesbiennes en Ouganda, ce qui m’a fait prendre conscience que mon histoire fait partie de ce continent. Mon histoire est importante et je peux rêver d’amour. Je peux rêver d’avoir un partenaire d’une manière qui me convient, d’une manière qui convient à mon contexte.

Pensez-vous que le podcasting est un prolongement de la narration ou une autre forme de narration ?

Je pense que c’est une autre forme de narration, cela devient de la narration par le type d’histoires que vous racontez dans votre podcast. Je pense qu’ici en Afrique, nous devons utiliser le podcasting pour documenter nos histoires africaines.

Comment garder les auditeurs intéressés ? Comment les amener à suivre l’histoire ? Comment vous assurer que cette personne va rester à l’écoute pendant tout l’épisode ?

Je considère Nipe’s Story comme une bibliothèque d’histoires où l’on trouve parfois une histoire de cinq minutes, une histoire de 15 minutes, une histoire de 20 minutes et une histoire de 40 minutes. Ma responsabilité est de m’assurer que lorsque je cherche des histoires, ce sont des histoires fascinantes, qu’elles soient bien racontées et bien écrites. Le défi est d’associer l’histoire avec la bonne voix. Vous savez, parfois, je dois admettre qu’il faut plus de temps à Nipe’s Story pour trouver le bon ton. Mais les gens ne se sont pas plaints de la longueur de l’histoire. J’aime à croire qu’il s’agit de bonnes histoires et que la façon d’interagir avec vos auditeurs est de créer un bon contenu et de captiver l’imagination de l’auditeur et pour moi, c’est ce que je m’efforce de faire, chaque fois que je crée un épisode de Nipe’s Story.

Enfin, pourquoi pensez-vous qu’il est important pour les Africains d’avoir leurs propres podcasts et de raconter des histoires de leur propre point de vue ?

Je crois qu’il est temps de crier notre africanité, il est temps de nous réapproprier ce que l’on nous a fait croire sur nous-mêmes, nos réalités et notre histoire. Pendant de nombreuses années, pour ma génération, on nous a enseigné notre histoire africaine, non pas par des historiens africains, mais par des historiens non africains. Il est important pour nous de revendiquer nos histoires, de raconter nos histoires, en utilisant nos mots, de la manière qui reflète nos réalités. Nous avons les outils maintenant, nous avons l’internet. Nous avons le podcasting et tant de façons de raconter les histoires africaines. Je pense qu’en faisant cela, nous montrons la valeur de nos histoires, non seulement pour nous, Africains, mais aussi pour le monde entier.

Dans le cadre de mon travail, mon principal public est l’Afrique. Je pense que le continent doit faire beaucoup plus pour communiquer. Je suis ravi lorsque j’entends parler de la communauté des podcasteurs en Zambie, au Nigeria et littéralement sur tout le continent. Une journée comme la Journée africaine du podcast est importante pour nous permettre de nous écouter les uns les autres, de présenter le travail qui sort du continent, car c’est le moment pour nous de parler et d’être fiers de ce que nous sommes en tant qu’Africains. Nous sommes ici maintenant. C’est le moment pour nous de le faire, car le travail que nous accomplissons par le biais du podcasting et de la narration d’histoires, le travail consistant à raconter l’histoire de l’Afrique, est important, car c’est ainsi que nous changerons ce continent.

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