Auteur : Moussa Ngom
IWACU Open Data, initié par le groupe de presse IWACU, a pour objectif de fournir des données ouvertes sur le Burundi. Lancée en 2016, le groupe de presse IWACU espère positionner cette plateforme comme un outil de travail essentiel pour les journalistes, chercheurs et citoyens confrontés à la problématique de l’accès aux données dans le pays.
De sa création à aujourd’hui, l’équipe d’IWACU a parcouru un long chemin. Parti d’une simple publication bimensuelle, IWACU, qui signifie « chez nous », est devenu, en quelques années, le premier grand groupe de presse du Burundi.
C’est vers 2001 que deux journalistes en exil en Belgique, Joseph Ntamahungiro (aujourd’hui décédé) et Antoine Kaburahe ont décidé de lancer un journal avec pour objectif de parler des problèmes spécifiques à la diaspora burundaise. Après avoir connu un grand succès à l’étranger, les professionnels des médias s’installent dans le pays grâce à un apaisement des tensions entre le gouvernement et les rebelles.
Depuis, le média tisse sa toile dans le paysage médiatique avec une radio en ligne, une plateforme de télévision en ligne, une maison d’édition, et l’une de ses dernières innovations : la plateforme IWACU Open Data.
« Nous avons voulu innover et utiliser une pratique journalistique presque inconnue au Burundi. Et même dans d’autres pays, les journalistes ne savent pas encore comment utiliser [et] exploiter ces ressources extraordinaires que sont les données », explique Antoine Kaburahe, fondateur du groupe de presse. « L’idée n’est pas seulement de livrer des données brutes, mais surtout de faire des recherches sur le terrain pour recontextualiser. Derrière les statistiques, chiffres et autres graphiques, il y a des histoires, des reportages, des interviews à réaliser. Bref, c’est une approche passionnante. Il faut dire aussi qu’un bon article, rédigé sur la base de vraies données, est presque inattaquable ! » dit-il.
Au total, 241 ensembles de données sont disponibles sur la plateforme en anglais et en français sur des thèmes allant de l’éducation à la science, en passant par la santé ou l’économie.
Le groupe de presse tente de ratisser large dans la collecte de statistiques. Outre le centre de statistiques au Burundi, IWACU utilise également les données disponibles auprès de certaines organisations telles que la Banque mondiale, l’Organisation mondiale de la santé, le Haut-Commissariat aux Réfugiés et d’autres institutions internationales.
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L’accès aux données est « un véritable défi auquel sont confrontés les professionnels des médias burundais », affirme Jonathan Ndikumana, journaliste à Burundi Eco, un organisme de média spécialisé dans l’actualité économique.
« L’accès aux données exige tout un protocole, tout un processus, des lettres, des emails souvent sans réponse, des réponses tardives qui peuvent arriver après des mois d’attente et d’insistance », ajoute Keyna Iteriteka, journaliste pour le groupe de presse IWACU. « En tant que journaliste, je ne serais pas en mesure de me rendre sur le terrain pour collecter des données à grande échelle. Les institutions gouvernementales et les organisations non gouvernementales qui font souvent ce genre de travail conservent les données, il n’est donc pas toujours facile d’avoir des données », explique la créatrice de contenu web.
« Cela pose un grand défi aux journalistes et aux chercheurs, car la plupart des sites gérés par les différents ministères ne sont pas bien conçus et les détenteurs potentiels d’informations se retirent le plus souvent », ajoute Ndikumana qui considère la plateforme Open Data de l’IWACU comme l’une des rares à proposer des données dans le pays en général et dans les médias en particulier.
« Les données ouvertes d’IWACU ont l’avantage d’être faciles à trouver et à interpréter pour les personnes qui se perdent lorsqu’il s’agit de fouiller dans des piles de documents ou sur un site très complexe. »
Cette observation est confirmée par Keyna Iteriteka, vérificatrice de faits chez Pesacheck. « Plusieurs données ne sont pas accessibles à tous ou sont stockées dans des bureaux. Même celles qui sont sur les plateformes en ligne des institutions ne sont pas triées de manière à ce que l’on puisse facilement avoir une vue de ce que l’on veut savoir », explique la journaliste qui estime que « l’Open Data d’IWACU, c’est aussi de l’analyse experte qui permet non seulement d’avoir les données, mais aussi de les comprendre dans le contexte du moment présent ».
La base de données soutient également le travail éditorial du groupe de presse de l’IWACU. Nous avons lancé une rubrique dite « In Focus » dont le but est d’analyser, de décortiquer, de recontextualiser et de vérifier les faits liés à l’actualité et aux discours des hommes politiques », explique Antoine Kaburahe.
Mais Jonathan Ndikumana déplore que la plateforme « peine encore à donner suite à l’annonce de ces données ».
Il donne l’exemple de statistiques dans le secteur de la santé, sur le comportement du marché monétaire local, sur le flux de touristes, sur le logement ou sur les naissances et les décès « qui manquent ou qui ne sont pas mises à jour parce qu’elles ne sont pas souvent disponibles dans les bureaux qui devraient les rendre disponibles. »
Une situation dont les dirigeants de l’IWACU sont bien conscients. « La base de données se construit petit à petit, lentement, avec difficulté. C’est un secteur qui n’en est qu’à ses balbutiements », explique Kaburahe, qui reste enthousiaste face à ce projet qui, selon lui, « grandira au fil des mois ».
Ce reportage a été soutenu par une micro-subvention de Jamlab Africa.