Quote This Woman+ (QW+) est une entreprise à but non lucratif basée à Hilton, dans le KwaZulu-Natal, mais travaillant dans toute l’Afrique du Sud. Son objectif est de contribuer à la transformation du paysage médiatique en faveur de l’égalité de genre par l’utilisation de voix féminines et de récits qui correspondent mieux à la démographie sud-africaine. L’organisation est en train de constituer un corps d’expertes dans des domaines traditionnellement dominés par les hommes, qui apparaîtront dans des panels et dans les journaux télévisés, et elle rassemble de nouveaux récits dans le but d’élargir le programme des informations.

Quote This Woman+ a récemment reçu plus de 50 000 dollars de la part de l’initiative Google News pour soutenir son virage technologique. Cela fait suite au succès de l’organisation lors du récent Défi de l’innovation du GNI pour le Moyen-Orient, la Turquie et l’Afrique, où elle a présenté une reconstruction de sa plateforme actuelle au programme Google. La plateforme consiste en une base de données en ligne de plus de 600 sources expertes, composées de femmes et de personnes issues d’autres groupes marginalisés, à laquelle les journalistes travaillant en Afrique peuvent accéder lorsqu’ils recherchent des personnes à interviewer pour leurs reportages. La reconstruction se concentrera sur une expérience utilisateur plus fluide, avec une meilleure protection des informations personnelles, des fonctionnalités de recherche et des canaux de communication entre journalistes et experts.

Actuellement, plus de 1 000 journalistes ont accès à la base de données d’experts de Quote This Woman+. Jamlab s’est entretenu avec Kath Magrobi, directrice de Quote This Woman+, pour savoir ce que l’organisation a accompli depuis qu’elle a fini le programme d’accélération de Jamlab en 2019.

Quote this woman+ a été fondée en 2019, comment se sont passées les trois dernières années, en termes de vos objectifs et de la mission de l’organisation ?

L’environnement a été difficile, mais nous avons gardé le cap. Nous mettons en œuvre notre théorie du changement et nous accomplissons lentement mais sûrement ce que nous nous sommes fixé : faire sortir davantage de voix de la marginalité pour les mettre au premier plan de l’actualité. Nous sommes vraiment fiers d’avoir réussi de cette façon, étant donné les grands bouleversements de ces trois dernières années, du confinement à l’affaire Zuma en passant par la guerre en Ukraine, et à quel point l’actualité est devenue importante pour nous tous.

L’objectif de Quote This Woman+ est de contribuer à la transformation du paysage médiatique en termes de genre. Voyez-vous des changements ou davantage d’expertes apparaître dans les journaux télévisés et sur les chaînes ?

Oui et non : dans certains cas, nous constatons d’énormes progrès. Certains médias se sont engagés à combler l’écart entre les hommes et les femmes dans leurs sources d’information et font appel à nous sept jours sur sept pour obtenir des sources pour leurs articles. Par exemple, le Citizen a un service d’information qui demande aux journalistes d’équilibrer leurs sources et de ne pas se contenter de citer les mêmes experts fatigués et surutilisés qui apparaissent partout. Il en va de même pour le Daily Maverick et le M&G. Nous recevons également de nombreuses demandes de sources féminines de la part de certains programmes d’information de la SABC et de certains programmes comme 702/Cape Talk, mais rien de la part d’autres médias, ce qui témoigne d’une certaine incohérence.

L’autre domaine génial où nous voyons apparaître de plus en plus fréquemment des expertes Quote This Woman+ est celui des médias étrangers. Les journalistes étrangers sont de plus en plus nombreux à demander l’accès à notre base de données et à interviewer les experts de QW+. Ainsi, du New York Times à la BBC, en passant par Al Jazeera et les réseaux de l’Associated Press, nos expertes bénéficient d’une solide exposition internationale, et l’effet d’entraînement est énorme.

Bien sûr, cela ne change rien au fait que l’interview d’une experte ou d’un expert marginalisé à d’autres égards, par exemple parce qu’il vit dans la pauvreté, qu’il est handicapé ou qu’il est LQBTQ+, reste l’exception plutôt que la règle. Nous faisons des progrès, mais nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir.

Lorsque vous avez commencé, vous aviez 40 femmes expertes sur un fichier. Aujourd’hui, vous avez plus de 600 experts. Comment avez-vous développé votre base de données ?

Travail acharné, persistance, recherche, persuasion et réseautage. Lorsque j’ai lancé QW+, ma plus grande erreur a été de croire que les experts verraient la valeur intrinsèque de la base de données et se précipiteraient pour s’y inscrire. Je pensais que convaincre les journalistes de nous soutenir serait la partie la plus difficile. C’est exactement le contraire qui s’est produit. Les journalistes nous soutiennent beaucoup, mais ils ont parfois la mémoire courte. Il faut donc les ramener sans cesse vers la base de données et trouver des moyens de leur faire vivre une bonne expérience pour qu’ils continuent à l’utiliser. Les experts sont ceux qui, dans certains cas, regardent la base de données avec méfiance, puis doivent être habilement convaincus pour en parler à d’autres experts ou pour s’y inscrire eux-mêmes.

Votre organisation fait pression sur les journalistes et les producteurs d’informations pour qu’ils se tournent en priorité vers cette base de données lorsqu’ils recherchent des personnes à interviewer et à citer pour leurs articles. Comment faites-vous pression sur les rédactions pour qu’elles utilisent votre base de données pour trouver des expertes ?

Nous avons une approche à plusieurs volets. Nous entretenons d’excellentes relations avec les institutions médiatiques, comme la SANEF par exemple, ce qui nous aide à parler aux rédacteurs en chef. Nous faisons également de notre mieux pour contacter régulièrement les rédacteurs en chef et nous proposons des formations sur l’utilisation de notre base de données aux rédactions et aux journalistes individuels. Cette année, nous avons également commencé à parler aux étudiants en journalisme, afin d’atteindre les journalistes avant qu’ils ne soient dans les salles de rédaction, pour qu’ils commencent leur carrière en comprenant pourquoi il est important de combler l’écart entre les hommes et les femmes dans leurs reportages. Et enfin, nous utilisons les réseaux sociaux, en particulier Twitter, pour continuer à renforcer ce message.

Quels sont les défis que vous devez relever en tant qu’organisation ?

Le manque de ressources, comme toutes les organisations à but non lucratif dans le monde des médias. Quote This Woman+ ne fait pas payer les journalistes pour l’utilisation de la base de données, et nous ne faisons pas payer les expert(e)s pour y figurer, si bien que notre modèle économique semble parfois contre-intuitif. Mais c’est un point que nous ne sommes pas prêts à changer. Actuellement, nous sommes financés par des subventions et par les revenus que nous tirons de notre offre unique de formation aux médias, que nous appelons « Women Own the Spotlight » (les femmes s’approprient les feux de la rampe), et des cours d’écriture sensibles au genre que nous proposons aux journalistes. 

Quelle est la prochaine étape pour Quote this Woman+, des projets d’expansion ?

La première « prochaine étape » est une grande refonte technologique. Nous venons d’obtenir un financement dans le cadre du concours Google News Innovation pour une refonte de notre plateforme qui aurait dû avoir lieu depuis longtemps. Les journalistes bénéficieront d’une meilleure facilité de recherche et les experts d’une plus grande tranquillité d’esprit.

Quels sont les enseignements que vous avez tirés du programme d’accélération de Jamlab ?

Assurez-vous de respecter votre méthodologie de démarrage, la fameuse « toile vide » ; soyez sûr de votre discours ; vous n’obtiendrez jamais le financement que vous ne demandez pas.

Vous avez récemment reçu un financement du Google GNI Innovation Challenge et comment cela va-t-il vous aider à soutenir votre base de données ?

Le financement du concours Google GNI Innovation Challenge nous permettra de mettre à jour et de réorganiser notre technologie. Actuellement, nous disposons d’une version bêta d’une base de données que nous avons cherché à financer pour la mettre à jour. Nous pensons qu’en rendant la base de données plus facile à utiliser, davantage de journalistes seront disposés à l’utiliser et à la recommander. Dans l’état actuel des choses, nous reconnaissons que notre technologie défectueuse constitue une barrière. En outre, le Google GNI Innovation Challenge nous a accordé des fonds pour la commercialisation de notre base de données. Ce sera la première fois que nous aurons une somme considérable à dépenser en marketing, et nous sommes très enthousiastes à l’idée de faire en sorte que toutes les rédactions d’Afrique du Sud nous connaissent et, espérons-le, utilisent nos services. Pour amener quelqu’un à faire quelque chose en dehors de sa routine habituelle (dans ce cas, utiliser la base de données), il faut être un peu plus convaincant. Grâce à ce financement, nous pourrons être beaucoup plus convaincants : notre technologie sera facile à utiliser et de haute qualité et notre marketing fera, nous l’espérons, son travail. Nous espérons que cela signifiera que davantage de personnes utiliseront la base de données et que davantage de personnes utiliseront des sources féminines dans leurs reportages.

Pourquoi est-il important de faire le travail que vous faites ?

Le mois de la femme est l’occasion de réfléchir à la manière dont les femmes sud-africaines ont dû se battre pour faire reconnaître leurs droits fondamentaux. Nous célébrons la marche de 1956 vers les bâtiments de Union Buildings, un acte qui a forcé la société à écouter la voix des femmes. Quote This Woman+ existe pour une raison similaire : nous voulons nous assurer que les voix des femmes et d’autres groupes marginalisés sont entendus afin que les questions qui les concernent puissent être mises en avant et faire l’objet de mesures. En tant qu’organisation féministe intersectionnelle, nous permettons aux femmes et autres groupes exclus de s’exprimer sur les politiques qui les concernent, et notre mode de fonctionnement consiste à assurer leur représentation dans les médias.

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