En parcourant rapidement et en cliquant sur diverses publications numériques africaines et internationales, il est évident que les pays africains semblent très peu couverts par les médias africains et internationaux. Mais des données réelles seraient nécessaires pour étayer un tel coup d’œil rapide à travers divers médias.
Dans une nouvelle étude, Africa No Filter (AFN) a exploré la couverture des pays africains telle qu’elle apparaît dans les médias africains et a interrogé plusieurs rédacteurs en chef sur leur point de vue. L’organisation est une collaboration de donateurs qui soutient le développement d’histoires nuancées et contemporaines qui modifient les récits stéréotypés et nuisibles en Afrique et à propos de l’Afrique. Son dernier rapport de recherche vise à sensibiliser les professionnels des médias africains à la possibilité d’une couverture différente et diversifiée de l’Afrique par des Africains. Les chercheurs espèrent que cette étude suscitera le désir d’un récit différent et plus positif sur l’Afrique dans les médias d’information indépendants.
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Le rapport note que la couverture des pays africains dans les médias africains était très faible. Trois éléments clés permettent de comprendre la nécessité d’une couverture plus importante et de meilleure qualité des pays africains dans les médias africains :
- Les sources d’information posent problème, puisque 65 % des rédactions interrogées n’ont pas de correspondants en dehors de leur pays, tandis que les agences de presse étrangères sont à l’origine de la majorité des articles sur les pays africains.
- Le type de contenu publié par les rédactions africaines renforce le stéréotype, car la couverture porte essentiellement sur des nouvelles dures et de nature politique. La politique, les élections et les conflits sont les principaux sujets abordés dans les reportages.
- La qualité du journalisme est préoccupante, avec peu de contexte, un manque de voix diverses, notamment de personnes ordinaires.
Les chiffres
Cette recherche a été effectuée sur une période de trois semaines en septembre et octobre 2020. Le rapport comprenait également une analyse d’articles, une enquête auprès des rédacteurs et des groupes de discussion. Pendant la période de recherche, les principaux sujets ont été la COVID-19 et les manifestations #ENDSARS au Nigeria, tandis que cinq pays ont tenu des élections pendant ou juste après la période.
56 « médias les plus influents » de 15 pays et des rédacteurs en chef de ces publications ont été interrogés. Les pays étudiés sont les suivants : Égypte, Tunisie, Ghana, Nigeria, Sénégal, Éthiopie, Tanzanie, Rwanda, Kenya, Ouganda, République démocratique du Congo, Botswana, Afrique du Sud, Zambie et Zimbabwe.
Les chercheurs ont sélectionné et analysé le contenu de publications numériques qui étaient auparavant des publications de presse écrite, à l’exception des médias tunisiens, où les médias audiovisuels sont les plus influents. Les rédacteurs en chef et les journalistes des publications étudiées ont également été interrogés afin de connaître leur point de vue sur le contenu publié par leurs rédactions respectives.
Autres résultats intéressants
- 45 % des rédacteurs en chef interrogés ont déclaré que leurs publications avaient une page consacrée à l’Afrique et qu’elles présentaient des articles sur l’Afrique dans leurs pages mondiales ou internationales. Environ 11 % ont déclaré qu’ils n’avaient ni l’un ni l’autre.
- De nombreux rédacteurs en chef ont reconnu avoir imprimé des stéréotypes sur l’Afrique malgré le désir d’une bonne couverture.
- Les reportages occidentaux sur l’Afrique s’adressent à des publics occidentaux qui veulent l’histoire « typique » de l’Afrique, comme la famine et la crise, ce qui alimente les stéréotypes négatifs qui dépeignent l’Afrique comme manquant d’autonomie.
- Le public ne partage pas nécessairement un intérêt pour les histoires sur d’autres pays africains et les histoires africaines plus larges, à moins que ces histoires ne touchent directement leur vie.
- En ce qui concerne la couverture régionale, l’Afrique centrale ne figure dans aucune publication/rapport africain. L’Afrique de l’Est est la plus couverte par les organes de presse en Afrique.
- Les pays africains les plus couverts par les organes de presse africains sont le Nigeria (12 %), l’Afrique du Sud (9 %) et la Tanzanie (7 %).
- Les articles consacrés aux succès, aux innovations et aux technologies de l’Afrique étaient presque totalement absents de la plupart des organes de presse africains interrogés.
Principaux défis
Un certain nombre de défis ont contribué à la faible couverture médiatique des pays africains dans les médias africains. Les rédacteurs en chef et les journalistes interrogés dans le cadre du rapport ont indiqué que la diminution des ressources allouées aux médias indépendants était le principal obstacle qui empêchait les rédactions de couvrir plus largement le continent. Selon eux, les fonds actuels ne leur permettent que d’utiliser des articles publiés par des agences occidentales, qui correspondent souvent aux attentes du public occidental.
Les données ont montré que les agences étaient à l’origine de près de la moitié (43 %) des articles sur les pays africains, dont seulement 19 % provenaient d’agences basées en Afrique. Les chercheurs ont conclu que ces données montrent que ce sont les non africains qui établissent l’ordre du jour ou offrent des perspectives sur les affaires et les événements africains.
Les solutions suggérées par le rapport sont les suivantes : les rédactions africaines doivent s’engager à mieux couvrir l’Afrique, il faut investir davantage pour obtenir une couverture diversifiée et nuancée et, enfin, les réseaux de rédacteurs et de journalistes doivent travailler ensemble pour mettre en commun les histoires et les multimédias à utiliser dans diverses publications.
Les chercheurs ont également noté que les conclusions de l’étude ne peuvent être examinées en dehors du contexte de la répartition inégale de la liberté des médias sur le continent. Selon le classement mondial de la liberté de la presse 2020, la Namibie, le Ghana, l’Afrique du Sud, le Burkina Faso, le Botswana et le Sénégal figurent parmi les pays les plus libres au monde, tandis que l’Érythrée, Djibouti, l’Égypte, la Guinée équatoriale, la Libye, la Somalie et le Burundi figurent parmi les plus lésés. Le rapport indique qu’un manque de liberté des médias peut entraîner une diminution des ressources pour de meilleurs médias.
Points positifs et recommandations
Le rapport note que la diversité de la couverture de l’actualité africaine par les organes d’information en Afrique peut être renforcée. La majorité des rédacteurs en chef interrogés ont déclaré vouloir des contenus africains plus nombreux et de meilleure qualité. Et l’une des meilleures façons d’encourager et d’élever le niveau du journalisme est de récompenser le journalisme de qualité et exceptionnel en Afrique.
Une autre façon de soutenir les histoires africaines serait de créer des dépôts d’histoires et de multimédias qui pourraient être distribués gratuitement aux journalistes, ce qui permettrait d’éviter les stéréotypes négatifs. Mais surtout, le bon journalisme exige des investissements et des ressources.
Le rapport désigne des modèles évoquant des histoires nuancées, contextualisées et diverses. Ces publications numériques comprennent Nation.Africa (Kenya), Mail & Guardian (Afrique du Sud), Daily Maverick (Afrique du Sud) et The Elephant (Kenya). Le rapport encourage la collaboration entre les rédactions de différents pays afin d’augmenter le retour sur investissement dans le journalisme exceptionnel en Afrique.
Lisez le rapport complet ici.